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L'interview Télémédecine 360 #2: Dr. Sandrine Favre, médecin endocrinologue-diabétologue

Ce mois-ci, Télémédecine 360 propose une interview détaillée de Dr. Sandrine Favre, médecin endocrinologue-diabétologue à Annecy.

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Où exercez-vous ?

“J’exerce au Centre Hospitalier Annecy Genevois (CHANGE) principalement. Néanmoins,  en tant que diabétologue, je me déplace pour des consultations au CH de Rumilly et en tant que responsable de l’UTEP (Unité transversale d’Education des Patients) je peux aller jusqu’à l’Hôpital de Gex dans l’Ain. En effet, l’établissement fait partie d’un territoire plus vaste et anime la Communauté Hospitalière bi départementale entre la Haute-Savoie et l’Ain (Bellegarde sur Valserine et le Pays de Gex), dite G2A pour Genevois Annecy, Albanais (Rumilly). Il s’agit d’un territoire à forte démographie (+10000 habitants par an environ)”.

Quelles sont vos activités de télémédecine et leurs objectifs?

“En diabétologie, pour le moment, l’activité de télémédecine concerne la télésurveillance (diabète gestationnel, suivi des traitements insuliniques des diabètes de type 1 et 2). Dans les projets, nous envisageons le développement de la téléconsultation pour les « pieds diabétiques », l’amélioration de la télésurveillance par l’utilisation plus systématique d’une plateforme (dossier en cours auprès de la délégation à la recherche et à l’innovation). Nous participons également au Protocole Télésage concernant l’application Diabéo développée par le CERITD.

Les objectifs consistent bien entendu à répondre aux besoins des patients en matière de suivi : en tant que diabétiques et notamment diabétiques de type 1, les patients sont très investis dans leur prise en charge et donc très en attente d’une offre diversifiée, accessible (beaucoup sont en études ou en activité professionnelle) et participative. Le contexte plus général est de répondre à une pénurie de temps médical dans un territoire vaste, avec des transports parfois complexes (problématique des vallées ou isolement, difficile gestion sur deux départements comme  dans le Pays de Gex)”.

Pouvez-vous décrire plus en détail l’une d’entre elle ?

“Je propose un focus sur le diabète gestationnel. C’est une activité en forte augmentation. Durant l’année 2015, ce sont près de 450 patientes qui seront prises en charge.

 Nous avons dans le service un programme d’éducation thérapeutique, validé par l’ARS et comprenant un diagnostic éducatif individuel et un atelier collectif comprenant 3 séances de 45 minutes à 1 heure chacune (une séance animée par un médecin, une séance par IDE pour l’apprentissage des glycémies et une séance avec la diététicienne). Une évaluation individuelle de l’utilisation des compétences acquises et des résultats est réalisée par le médecin  en face à face systématiquement une semaine après l’atelier. Dans la majorité des cas, les résultats rendent alors possible le suivi à distance, par échanges de mails, particulièrement apprécié par les patientes pour lesquelles les déplacements en fin de grossesse ne sont pas toujours confortables !

Concrètement, les patientes envoient un message selon un rythme proposé en séance d’évaluation, sur un groupe de diffusion dédié (2 médecins et 3 IDE expertes qui répondent quotidiennement, selon leurs disponibilités).  Un mail de réponse est adressé avec une analyse les résultats et la conduite à tenir (renforcement éducatif, modification du traitement d’insuline, voire rarement proposition d’une consultation face face…)

Nous reportons chacun des échanges écrits dans le dossier informatique de la patiente. Une évaluation quantitative est donc possible facilement (nombre d’actes et temps consacré). Une évaluation de la satisfaction des patientes est en cours actuellement avec des premiers  résultats extrêmement favorables. Les retours des correspondants professionnels de santé libéraux sont aussi très positifs quant à cette télésurveillance et nourrissent d’ailleurs  un adressage en augmentation visible”.

Quels freins avez-vous rencontré ou rencontrez-vous encore aujourd’hui concernant votre activité de télémédecine ?

– L’inquiétude de notre SIH sur la validité réglementaire du dispositif est réelle notamment concernant la sécurisation des échanges de données médicales

– La non-reconnaissance tarifaire de cette activité : outre le manque à gagner financier qu’elle génère par non rémunération des actes (environ un millier d’actes en 2015), elle induit une non reconnaissance du temps de travail concerné (déjà 120h de janvier à fin octobre 2015…) qui n’est donc pas non plus valorisé pertinemment. On travaille pour la « beauté de l’art et la technique » actuellement. Etre pionnier n’a qu’un temps…

– La méconnaissance de la télésurveillance et de la qualité des échanges avec les patientes qui peut donner l’impression à certains confrères diabétologues de faire de la médecine « au rabais » : il faut lutter contre ce préjugé”.

Par contre, on peut aussi citer des facteurs clés  pour le développement de la télémédecine  dont nous avons pu bénéficier :

– un fort soutien institutionnel

  • une UF est dédiée à l’ETP ambulatoire et télémédecine en diabétologie au CHANGE
  • dans le projet de territoire, la télémédecine est considérée comme le support technique au développement territorial

– une motivation de l’équipe médicale et paramédicale concernée.

Selon vous quelle serait la ou les solutions pour enlever ces freins ?

  • La reconnaissance tarifaire des actes et consultations.
  • L’adaptation des outils également :si la traçabilité et la confidentialité sont « natives » dans le système proposé et assurent l’alimentation directe du DPI, on aura effectué un grand pas pour le succès de la télémédecine.

De façon globale, que pensez-vous du développement de la télémédecine en France aujourd’hui et dans les années à venir ?

“Elle a de beaux jours devant elle, notamment pour toutes les maladies chroniques. Ce serait une erreur historique de ne pas saisir cette opportunité à offrir aux patients. Le développement des smartphones et les applications santé qui commencent à se multiplier, offrent un champ des possibles immense dont il faut s’emparer pour y apporter une plus-value professionnelle et éthique, en devenant de vrais partenaires et acteurs. Sinon, le développement aura lieu sans nous, et nous deviendrions spectateurs des data scientists (Google, Apple…)”.

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