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Propositions de la FHF pour débloquer la télémédecine: notre analyse

La FHF a dévoilé lors de son université d’été du 7 Septembre 2016 six propositions pour débloquer la télémédecine que nous proposons d’analyser.

Quel est le contexte ?

La télémédecine bénéficie d’un soutien des autorités de santé depuis son inscription dans le Code de la Santé Publique suite à la loi HPST en 2009. Une base réglementaire a été instaurée suivie d’une stratégie nationale de déploiement de la télémédecine avec l’établissement de priorités. Ces priorités ont bénéficié de financements publics lors de la première phase de la stratégie notamment sur le Télé-AVC et la téléradiologie. Depuis 2014, une expérimentation est en cours dans 9 régions de France pour l’évaluation de modalités de financements en lien avec l’Assurance Maladie. Ces expérimentations touchent notamment la prise en charge ambulatoire, dans les établissements médico-sociaux ou HAD ainsi que pour les maladies chroniques. Dans le cadre du Pacte Territoire Santé 2, de nouveaux financement ont été accordés pour ces expérimentations avec la publication d’un nouveau cahier des charges (Article du 9 Mai 2016). En parallèle, en pratique clinique courante, seul le dépistage de la rétinopathie diabétique par télémédecine est un acte à part entière reconnu et remboursé par l’Assurance Maladie (Article du 23 Juin 2015).

Il existe donc un hiatus entre le soutien du Ministère de la Santé et la position de l’Assurance Maladie, qui exaspère bon nombre d’acteurs de la télémédecine (patients, médecins, administrations, industries) qui ressentent un blocage de la situation de la part de l’Assurance Maladie.

Par ailleurs, les hôpitaux publics sont désormais regroupés au sein de groupement hospitaliers de territoires (GHT)  suite à la loi de modernisation du système de santé. La coopération entre ces hôpitaux pour la prise en charge des patients va de fait requérir des activités de télémédecine, dont une mission a rappelé l’intérêt et proposé des modèles de financement (Article du 21 Mars 2016). De plus, Marisol Touraine a annoncé au début du mois de Juillet une nouvelle stratégie de e-santé, incluant la télémédecine, mais sans financement spécifiquement ciblés détaillés (Article du 4 Juillet 2016).

Enfin, nous entrons en 2017 dans une année d’élection présidentielle, et les pouvoirs politiques en place n’ont désormais que peu de temps et d’occasions pour réaliser les dernières actions marquantes du quinquennat. 

Quel est l’objectif de la Fédération Hospitalière de France (FHF) ?

La FHF souhaite obtenir l’inscription dans la loi de finances de la sécurité sociale pour 2017 la prise en charge financière des activités de télémédecine par l’Assurance Maladie pour déverrouiller la télémédecine en France (Article du 28 Juillet 2016).

Cette demande s’inscrit dans le cadre de la mise en place des GHT et de la stratégie nationale e-santé qui vont mobiliser des efforts financiers importants de la part du Ministère.

fhf-recoupeeSur le plan politique, cela pourrait être la réelle dernière occasion pour Marisol Touraine d’agir sur la question de la télémédecine avant la fin du mandat.

Dans ce contexte, la FHF a mis en place depuis l’été, une stratégie de lobbying public et de communication pour mettre la pression sur le Ministère, les députés et l’Assurance Maladie afin d’inscrire leurs propositions au sein du PLFSS dont l’examen commencera à la fin du mois de Septembre.

Cette démarche de la FHF est intéressante car jusqu’à maintenant les principales revendications de financement étaient menées par les industriels de la santé numérique (Articles du 31 Mars 2015 et 11 Mai 2016), certaines associations de patients (Article du 11 Février 2016), la Société Française de Télémédecine, et le CNOM (Article du 15 Février 2016). Cette campagne change ainsi la donne car cette fois-ci elle est l’objet du secteur public qui s’était peu fait entendre d’une seule voie sur cette question.

Quelles sont les propositions de la FHF ?

En premier lieu, la FHF souhaite obtenir l’inscription d’un principe de tarification à l’activité avec un tarif au moins similaire avec celui existant aujourd’hui. Or, il s’agit exactement de la crainte de l’Assurance Maladie avec la création d’un volume d’activité important, même si les activités en cours ont plutôt tendance à montrer des gains d’efficience. Cette tendance observée sur différents projets ne veut cependant pas dire qu’elle s’applique à toutes les activités de télémédecine.

D’autres modèles de financement sont néanmoins possible tels que le financement au forfait dans le cadre du financement global des parcours de soins. Ces deux modalités de financement ne sont pas mutuellement exclusives et pourraient être complémentaires. D’autres possibilités avaient aussi été proposés dans le cadre de la mission sur les GHT. Dans tous les cas, les résultats des expérimentations des financements dans les 9 régions ne sont pas encore publiés et publics et donc d’un point de vue scientifique, il serait préférable d’attendre ces résultats. Des études de modélisation pourraient enfin être mises en place afin de tester plusieurs scénarios possible permettant de réaliser un choix éclairé. 

La proposition de tenir compte des spécificités des filières médicales en valorisant les organisations est cependant logique du fait des différences importantes entre les diverses applications de la télémédecine. 

Ensuite, il est proposé un accompagnement des établissements pour la définiti
on des aspects télémédecine des projets médicaux des GHT. Cet accompagnement sera absolument nécessaire pour une mise en œuvre avec une gestion des risques adaptés, et nous sommes partisans de cette approche.

La FHF souhaite par ailleurs qu’une partie du plan d’investissement annoncé par la ministre en mai à hauteur de 2 milliards entre 2017 et 2021 soit dédié à l’investissement dans l’équipement et le matériel pour la télémédecine. Certes, des investissements sont nécessaires mais l’ensemble des régions possèdent désormais des plateformes régionales de télémédecine avec un coût d’investissement important. Nous pensons qu’il serait préférable d’avoir cet investissement dans l’accompagnement des établissements publics à la refonte des organisations médicales, à l’accompagnement au changement ainsi qu’à la mise en place d’évaluation des activités de télémédecine. 

Sur le plan de l’évaluation, la FHF met l’accent sur l’évaluation médico-économique continue des pratiques de télémédecine. Nous soutenons cette proposition car elle sera importante pour les financeurs, mais l’évaluation ne devrait pas se limiter à l’aspect médico-économique uniquement. Les impacts organisationnels, sur les parcours de prise en charge, la satisfaction des patients et des professionnels de santé, ainsi que l’impact sur la morbidité ou la mortalité devraient aussi être pris en compte. Par ailleurs, des financements importants seront nécessaires pour atteindre cet objectif avec des efforts scientifiques collectifs à fournir sur le plan de la méthodologie d’évaluation. La question du choix des structures réalisant ces évaluations sera aussi un point à ne pas négliger. 

Enfin, la FHF se positionne sur la formation des professionnels de santé “qui s’engageront dans les pratiques de télémédecine”. L’ensemble des professionnels de santé sera potentiellement amené à pratiquer la télémédecine et c’est donc l’ensemble d’entre eux qui devraient être formés, incluant aussi les infirmiers ou les manipulateurs radio par exemple. Concernant la formation initiale des médecins, la télémédecine fait désormais parti des items des Épreuves Classantes Nationales (ECN) mais aucune donnée n’existe à ce jour pour en connaitre la mise en application exacte. Aucune donnée n’existe aussi sur la formation des internes à la télémédecine en France ou de façon très parcellaire. Au niveau de la formation continue, un DIU sera créé cette année qui devrait permettre une offre intéressante de formation (Article du 12 Janvier 2016), mais qui ne sera sûrement pas suffisante pour couvrir l’ensemble des besoins.

Les propositions de la  FHF peuvent-elles aboutir ?

Oui, au vu du contexte politique global, nous pensons qu’il est fort probable que la télémédecine soit discutée lors de l’examen de la prochaine loi de finance de la sécurité sociale. Les propositions de la FHF sont en accord avec notre vision de l’évolution de la télémédecine en France que nous avions précisée en début d’année (Article du 3 Mars 2016). Le détail des propositions mérite d’être discuté de façon approfondie lors de l’examen du PLFSS mais devrait inclure l’ensemble du corpus de propositions existant à ce jour afin de prendre en compte l’ensemble des points de vue. L’issue des discussions et débats parlementaires ne peut être prédite à l’avance mais nous espérons qu’elle permettra de faire avancer le déploiement de la télémédecine en France pour l’amélioration de la prise en charge des patients dans un objectif de santé publique. 

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